Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/485

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deux, nous ſommes preſts de vous obeïr. Vous m’aprenez tant de choſes ſurprenantes à la fois, dit elle, que je ne puis pas vous reſpondre d’improviſte ſi preciſément : ce qu’il y a pourtant de certain, c’eſt que je n’ay point d’autre parti à prendre que celuy du Roy mon Frere : que ſes ennemis ſont les miens : & que s’ils ne veulent pas nous faire juſtice, il ſera plus beau de mourir en ſe deffendant, que de ſe rendre laſchement. Cependant, adjouſta t’elle encore, puis que de Sujets rebelles, vous eſtes devenus mes Protecteurs : je vous conjure de vouloir donner tous les ordres neceſſaires pour la conſervation de la Ville : & de n’entreprendre rien que je ne le sçache : Auſſi bien ne jugeay-je pas que vous puiſſiez faire autre choſe preſentement, que vous deffendre, ſi on nous attaque. Voila donc. Seigneur, un grand changement en noſtre fortune : nos Gardes devinrent preſques nos Eſclaves : & celle que l’on tenoit en priſon, commanda à ceux qui la tenoient captive. Mais pendant cela, Spitridate n’eſtoit pas ſans inquietude, au milieu de la joye que luy donnoit la victoire : puis qu’il n’eſtoit pas ſi abſolument Maiſtre de ſon Armée, qu’il peuſt en faire ce qu’il vouloit. Ainſi il falut en aparence qu’il agiſt comme un ennemi contre la Princeſſe : & en effet comme un homme qui preferoit ſon amour à toutes choſes. Il envoya donc ſommer la Ville de ſe rendre à diſcretion, apres l’avoir inveſtie de toutes parts : car il ne pût faire autrement, parce que ce Lieutenant General qu’Arſamone luy avoit donné, eſtoit un eſprit ſevere & opiniaſtre. De ſorte que lors que la Princeſſe sçeut ce que Spitridate avoit mandé ; luy qui ne sçavoit pas que ceux entre les mains de qui elle eſtoit, la reconnoiſſoient