pour tenir Conſeil : mais en les attendant, ce fut veritablement aveques moy, qu’elle prit la reſolution qu’elle vouloit ſuivre. Je voyois bien dans ſes yeux qu’elle avoit de la joye, de ce qu’elle pouvoit eſperer que ce Prince n’eſtoit pas auſſi coupable qu’elle l’avoit creû : & j’apercevois qu’elle advit auſſi de l’inquietude pour reſoudre ſi elle le verroit, ou ſi elle ne le verroit pas. La voyant donc en cette peine, je luy dis que je trouvois qu’elle avoit tort, de mettre la choſe en doute : Ha Heſionide, me repliqua t’elle, vous avez grand tort vous meſme, de croire qu’elle ſoit ſi aiſée à determiner : car ſi Spitridate eſt devenu un Prince ambitieux, qui prefere la poſſession de deux Couronnes à mon amitié, je ne le dois point voir, puis que je le verrois inutilement. Mais ſi au contraire il eſt encore tel que je l’ay veu autrefois, je ne le dois point voir, non plus : puis qu’il me ſeroit impoſſible de n’eſtre pas auſſi pour luy, la meſme que j’eſtois en ce temps là. Cependant les choſes n’eſtant plus aux meſmes termes, je dois changer de ſentimens : c’eſt pourquoy Heſionide, je penſe qu’à conclurre raiſonnablement : il faudroit ne voir point Spitridate. Touteſfois je ſens bien que ſi on me conſeille de le voir je le verray : & que ſi je le voy innocent, je ne le pourray pas haïr. S’il eſt innocent, Madame, luy dis-je, vous ſeriez injuſte de luy oſter voſtre affection : & je trouve, de quelque coſté que je regarde la choſe, que vous le devez touſjours voir. Car quand meſme il ſeroit voſtre ennemy, en l’eſtat où vous eſtes reduite, il faudroit neceſſairement avoir recours à ſa clemence : & s’il eſt toujours voſtre Amant, il faut tout attendre de ſa generoſité & de ſon amour. Enfin, Seigneur, il ne me fut pas fort difficile de perſuader à la Princeſſe
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