Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/496

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qui il apartient, languiroit miſerable & exilé ! ha non non, je n’en ſuis point capable : & ſi vous l’avez penſé, vous m’eſtimez trop peu, & vous ne me connoiſſez point du tout. Je vous ay eſtimé, je l’advoüe, & je vous eſtime encore : & ſi ce mot eſt meſme trop foible pour exprimer mes ſentimens, penſez en un plus tendre & plus obligeant pour vous ſatisfaire, j’y conſens. Mais apres tout, quoy que mon cœur ſoit pour vous ce qu’il eſtoit à Heraclée, je ne puis plus agir aveques vous, que comme avec le Fils de mon Ennemy. C’eſt pourquoy, Spitridate, il faut faire neceſſairement de deux choſes l’une : ou obliger le Roy voſtre Pere à ſe contenter du Royaume de Bithinie, & à rendre celuy de Pont : ou vous reſoudre à n’avoir cette Place que par la force : ou du moins par une capitulation, qui me permette d’aller où eſt le Roy mon Frere quand je le sçauray. Car enfin je vous le declare, je ne veux point du tout que vous me mettiez entre les mains d’Arſamone : & il n’eſt rien que je ne face, pluſtost que de m’y reſoudre. Je sçay bien, adjouſta t’elle, que la Reine Arbiane, & la Princeſſe Ariſtée me protegeroient : mais je sçay bien auſſi, que toute l’Aſie me pourroit ſoubçonner d’une laſcheté ou d’une foibleſſe, dont je ne ſuis point capable. C’eſt pourquoy, Spitridate, il ne faut point ſonger à me faire changer de ſentimens, puis que ce ſeroit inutilement : & s’il vous reſte quelque ſouvenir du Prince Sinneſis qui vous a tant aimé : promettez moy que vous ne me remettrez pas ſous la puiſſance d’Arſamone, en cas que la Fortune me reduiſe ſous la voſtre. Je vous promets toutes choſes Madame, reprit il, pourveû que vous me promettiez