Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/505

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de ma vie, comme le plus malheureux Prince du monde. Mais Seigneur, ce qu’il y eut de merveilleux dans les pleintes de Spitridate, à ce que me dit depuis Democlide, fut que l’ambition n’eſbranla jamais ſon amour : & que l’amour auſſi ne le fit jamais emporter avec excés contre le Roy ſon Pere. De ſorte que conſervant la raiſon, malgré la violence de ſa douleur : il ſongea promptement à chercher les voyes de delivrer la Princeſſe, puis qu’il ne pouvoit faire autre choſe : Et d’autant plus que le lendemain il eut un nouvel advis de la Princeſſe Ariſtée ſa Sœur, qui luy apprenoit que dans peu de jours le Roy partiroit, pour ſe rendre dans ſon Armée. Il s’aperçeut meſme que l’ordre qu’avoit reçeu ce Lieutenant General de prendre garde à luy, eſtoit obſervé ſoigneusement : Mais quoy qu’il peuſt faire, comme Spitridate eſtoit adoré des Chefs & des Soldats, il ne laiſſa pas de venir à bout de ſon deſſein. Pour ne perdre point de temps, Spitridate envoya dire publiquement à la Princeſſe, que le Roy ſon Pere n’avoit point encore reſpondu à ſes propoſitions : & que dans peu de jours il viendroit luy meſme luy faire sçavoir ſa reſponse. Cependant apres avoir inſtruit Democlide de ce qu’il avoit à faire, & adviſé enſemble par quelle voye il pourroit delivrer la Princeſſe : il luy commanda d’entrer dans la Ville déguiſé en Païſan. Comme la treſve duroit encore, il ne luy fut pas difficile de le faire : & dés qu’il y fut, il vint au Chateau demander à parler à moy, ce qui luy fut accordé. Il me donna un Billet de Spitridate, qui me diſoit ſeulement, que je creuſſe tout ce que Democlide me diroit : ſi bien que luy donnant une audience particuliere, il m’aprit