infortune du Roy ſon Maiſtre, & pour teſmoigner l’eſtonnement qu’il avoit de me voir : mais durant que je faiſois redoubler les ſoins que la ſeule humanité faiſoit prendre de luy : quelqu’un fut inconſiderément advertir la Princeſſe de cette rencontre, qui voulut elle meſme voir ce malheureux. Comme elle l’avoit autrefois donné au Roy ſon Frere, il connoiſſoit fort le ſon de ſa voix ; ſi bien qu’elle n’eut pas pluſtost parle à luy, qu’il fit un plus grand effort pour luy reſpondre, qu’il n’avoit point encore fait : & il fit tant enfin., qu’il, prononça aſſez diſtinctement ces paroles. Ha Madame, eſt-ce vous ! Ouy, luy repliqua t’elle, mais où eſt le Roy preſentement ? En Armenie, luy dit il, & il m’avoit envoyé pour vous aller porter……… En achevant ces mots il retomba en foibleſſe : & peu de temps apres, il entra dans l’agonie, & mourut ſans pouvoir achever de dire ce qu’il avoit commence. L’autre homme que l’on avoit encore aporté dans noſtre Vaiſſeau, mourut auſſi ſans parler : ainſi nous n’en puſmes sçavoir davantage. On fit chercher dans les habillemens de cét Eſclave, s’il n’auroit point de Lettres : & en effet il s’y en trouva une : mais par malheur l’eau en avoit affacé tous les carracteres : à la reſerve de deux ou trois, que la Princeſſe reconnut eſtre de la main du Roy ſon Frere. Cette rencontre renouvella toutes ſes douleurs : & durant que l’on travailla à remettre le Vaiſſeau en eſtat de flotter, & à le dégager de ce banc de ſable, elle ne s’occupa qu’à conſiderer l’opiniaſtreté de la Fertune à l’affliger. Car, diſoit elle, ce n’eſt parce que ce malheureux Eſclave a eſté à moy, & que parce qu’il avoit quelque choſe à me dire qu’il eſt mort. Cependant on travailla ſi heureuſement, que nous nous remiſmes
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