remettre pas entre celles du Roy mon Frere. Ha Madame, dit il, s’il n’y a que mon intereſt qui vous tienne en peine, ne m’empeſchez pas de vous ſuivre : car quand le Roy voſtre Frere me mal-traiteroit, je l’endurerois pour l’amour de vous. Je n’en doute pas, luy dit elle ; mais il faut endurer l’abſence pour l’amour de moy : puis que je ne pourrois pas vous voir, & vivre mal aveque vous : & que je ne juge pas non plus, que le Roy mon Frere trouvaſt bon que j’y veſcusse bien : parce qu’il croiroit peut-eſtre, que l’eſperance de jouïr de deux Couronnes, feroit toute ma douceur pour Spitridate. Mais Madame, luy dit il, que voulez vous que je devienne ? Allez, luy dit elle, en quelque lieu ſeur pour voſtre perſonne, attendre que la Fortune ſe laſſe de nous perſecuter : & que le cœur du Roy voſtre Pere ſe change. Mais Madame, reprit il, puis que j’abandonne tout pour vous, ne pourriez vous point abandonner pour un peu de temps quelque petite partie de cette rigoureuſe bienſeance, que vous voulez garder en toutes choſes ? Car ſi vous m’aimiez veritablement, & qu’il vous ſouvinst de la naiſſance de ma paſſion ; du reſpect que j’ay eu pour vous ; des peines que j’ay ſouffertes ; des priſons que j’ay endurées ; de la rigueur de mon exil ; & de ce que l’abandonne preſentement, pour voſtre ſeul intereſt. Il me ſemble, dis-je, que vous pourriez vous reſoudre à m’accorder la permiſſion de vivre déguiſé aupres de vous : ou de nous en aller enſemble, en quelque lieu eſloigné de toute connoiſſance, attendre que par la volonté des Dieux, je puſſe un jour rendre un Couronne au Roy voſtre Frere, & vous en donner une autre. Ce que vous dittes, repliqua la Princeſſe, ne ſeroit ny juſte
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