pour les choſes de la guerre. Il sçeut qu’Artaxate eſtoit toujours paiſible : que les paſſages eſtoient bien gardez : & qu’Hidaſpe qui eſtoit poſté vers le pied des Montagnes où le Roy d’Armenie s’eſtoit retiré, avoit pris pluſieurs petits Convois de vivres & de munitions, que les Païſans armez y vouloient conduire : En ſuitte de quoy eſtant retourné à ſon Apartement, il donna le reſte du ſoir, au ſouvenir de ſa chere Princeſſe. Il s’ennuyoit de voir que Ciaxare n’arrivoit pas : il eſtoit faſché de n’aprendre point où eſtoit le Roy d’Aſſirie : il s’affligeoit de ne sçavoir pas où eſtoit Mandane : & faiſant comparaiſon des malheurs de la Princeſſe Araminte à ceux qu’il ſouffroit, quelques grands qu’ils fuſſent, il trouvoit encore les ſiens plus inſuportables. IL ſe ſouvint alors de ce qu’Heſionide luy avoit raconté de certains Marchands Perſans, qui avoient veû faire naufrage à Spitridate au Port de Chalcedoine : & il jugea bien que cét accident avoit eſté la cauſe de la nouvelle de ſa mort, par la reſſemblance parfaite que l’on diſoit eſtre entre luy & ce Prince : & qu’en ſuitte le meſme Spitridate en Perſe, & depuis encore en Medie, avoit auſſi cauſé le bruit de ſa reſurrection. Enfin paſſant inſensiblement d’une choſe à une autre, ſans abandonner pourtant jamais l’agreable ſouvenir de ſa chere Princeſſe, il paſſa preſques toute la nuit ſans dormir : ne croyant pas qu’il luy fuſt permis de donner un ſeul moment de ſa vie à aucune autre choſe, qu’à l’innocente paſſion qui regnoit dans ſon cœur.
Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/522
Apparence