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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/528

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demeurer plus long temps a la place où il eſtoit, il s’avança quarante ou cinquante pas, ſuivy de quelques uns des Chefs, & d’une partie des Volontaires : mais avec une curioſité ſi grande, que luy meſme en eſtoit eſtonné. Il connut d’aſſez loing par l’action de cét Eſtranger, que c’eſtoit un homme bien fait : mais enfin eſtant arrivé aſſez prés pour pouvoir diſcerner les traits de ſon viſage, il fut eſtrangement ſurpris, de voir que c’eſtoit le Roy d’Aſſirie. Cette veuë le fit changer de couleur, & donna un nouveau luſtre à ſon taint, qui le fit encore paroiſtre de meilleure mine : & le Roy d’Aſſirie de ſon coſté, ne vit pas pluſtost Cyrus, qu’il en parut fort eſmeû. Neantmoins comme ils eſtoient tous deux infiniment genereux, apres qu’Aglatidas ſe fut avancé pour dire à Cyrus que cét Eſtranger qu’il ne connoiſſoit point (car il n’avoit fait que l’entre-voir un moment ſur le haut de la Tour de Sinope) avoit voulu eſtre conduit aupres de luy, ils ſe ſalüerent fort civilement : & deſcendant de cheval en meſme temps, Cyrus comme n’eſtant que Fils de Roy, & comme eſtant le plus civil de tous les hommes, rendit à ce Prince tous les honneurs qu’il euſt pû attendre, s’il euſt encore eſté Maiſtre de Babilone, & paiſible poſſesseur de tout le Royaume d’Aſſirie. Le Roy d’Aſſirie de ſon coſté eut auſſi pour Cyrus toute la civilité qu’il eſtoit obligé d’avoir, pour un Prince qui meritoit l’Empire de toute la Terre : & qui de plus, eſtoit ſon Liberateur & ſon Vainqueur tout enſemble. Il y avoit pourtant quelque choſe de ſi grand, dans les civilitez qu’ils ſe faiſoient l’un à l’autre ; qu’il eſtoit aiſé de voir, qu’ils eſtoient tous deux de condition à en recevoir de tout le monde : & il eſtoit meſme aſſez