Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/529

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

facile de remarquer, a ceux qui sçavoient leurs intereſts, que leur eſprit n’eſtoit pas tranquile. Il y avoit je ne sçay quelle fierté dans leurs yeux, qui deſcouvroit malgré eux l’agitation de leur ame : & je ne sçay quelle contrainte en leurs civilitez, qui les faiſoit connoiſtre pour Rivaux & pour Ennemis. Cependant apres qu’ils furent deſcendus de cheval, & que par reſpect tout le monde ſe fut retiré a dix ou douze pas loing d’eux ; Comme je n’ay pas changé de ſentimens, dit le Roy d’Aſſirie, en quitant le Nom de Philidaſpe : je veux croire que vous n’aurez pas auſſi changé de reſolution, en ceſſant d’eſtre Artamene : & que je trouveray en Cyrus, le meſme Prince avec qui je fis des conditions ſur le haut de la Tour de Sinope. J’eſpere, dis-je, que nous chercherons noſtre Princeſſe enſemble : que nous combatrons pour elle : que nous la delivrerons : & que juſques alors, nous vivrons enſemble comme ſi nous n’avions rien a démeſler. Enfin j’attens en ſuitte de voſtre Grand cœur, la derniere ſatisfaction que vous m’avez promiſe : & que tout vaincu que je ſuis par la force de vos Armes, vous ne refuſerez pas de diſputer cette illuſtre & derniere victoire aveques moy. Vous avez raiſon, luy repliqua Cyrus, de croire que je ne manqueray jamais a la parole que je vous ay donnée : c’eſt pourquoy vous devez vous tenir autant en ſeureté dans l’Armée du Roy des Medes, que ſi vous eſtiez a la teſte de la voſtre : car je ſuis aſſuré que ce Prince ne manquera non plus que moy, à la promeſſe qu’il vous a faite. Je sçay bien, reprit le Roy d’Aſſirie, que le Vainqueur de Babilone doit trouver quelque choſe d’eſtrange, de