Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/530

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voir que ce meſme Prince qu’il a vaincu en Combat particulier, & depuis en Bataille rangée : qui de plus luy doit la vie ; & qui n’a aucune place dans le cœur de la Princeſſe Mandane, veüille encore luy diſputer un prix qu’il merite ; qu’il a conquis ; & qu’elle luy a donné. Mais apres tout, l’amour eſt ma ſeule raiſon : j’aime, & vous aimez, il n’en faut pas davantage. Et comme nous n’avons pas fait la guerre par ambition, mais par amour ſeulement : avoir conqueſté des Provinces & des Royaumes, n’eſt pas abſolument avoir vaincu. Ainſi ce n’eſt que par ma mort, que vous pouvez joür de la victoire : & vous acquerir un repos, que rien apres ne sçauroit troubler. Il eſt certain, repliqua Cyrus, que je n’ay pas fait la guerre par ambition : & pleuſt aux Dieux que la Fortune vous euſt laiſſé Maiſtre de Babilone, & qu’elle ne m’euſt pas enlevé la Princeſſe Mandane. Je voudrois, adjouſta t’il, que cette capricieuſe Fortune, ne m’euſt pas mis dans la neceſſité, de ne pouvoir eſtre heureux, que par l’infortune d’un auſſi Grand Prince que vous : mais puis que la choſe eſt en ces termes, il n’y faut plus penſer : & il ne nous reſte rien à faire, qu’à ſonger ſeulement l’un & l’autre, à mettre noſtre Princeſſe en eſtat de bien recevoir le Vainqueur, & de donner quelques larmes au Vaincu. Faiſons, dis-je, de ſi grandes choſes pour la delivrer, que nous nous rendions dignes de ſon eſtime, & de ſa compaſſion : car connoiſſant voſtre valeur (adjouſta Cyrus avec un modeſtie extréme) je dois pluſtost ſonger à pouvoir meriter ſes larmes, qu’à poſſeder ſon affection apres voſtre deffaitte. Mais, pourſuivit il, nous n’en ſommes pas encore là ; puis que meſme nous ne sçavons pas où eſt la Princeſſe Mandane. Le Roy d’Aſſirie s’