faire le reſte à ma valeur & à mon amour : car quelque brave qu’il ſoit, je ne deſespere pas de la victoire. Mais helas, adjouſtoit il, pendant que la fureur me poſſede, & que la veuë de l’ancien Philidaſpe reſveille toutes mes jalouſies & toute ma haine : le Roy de Pont, ce Prince qui m’a tant aimé ſans me bien connoiſtre, & ſans sçavoir que j’eſtois ſon Rival, triomphe de toutes mes peines. Peut-eſtre, dis-je, qu’il n’eſt pas ſeulement en pouvoir de jouir de la veuë de ma Princeſſe : mais peut-eſtre qu’il a gagné ſon cœur, & obtenu ſon pardon. Joint que ne l’ayant pas enlevée comme Philidaſpe : & n’ayant preſques fait que la ſauver d’un naufrage : elle ne peut quaſi le regarder comme ſon Raviſſeur. Cependant il n’en eſt pas moins coupable à mes yeux ; & de quelque coſté que je me tourne, je ne voy que des Raviſſeurs de Mandane à punir. Mais helas ! je ne les voy encore que de loing, s’il faut ainſi dire, puis qu’il ne m’eſt pas permis d’attaquer le Roy d’Aſſirie preſentement, & que je ne sçay pas où eſt le Roy de Pont. Comme il en eſtoit la, Aglatidas vint luy amener Artabane, qui depuis leur départ de Sinope, eſtoit allé joindre Ciaxare : & venoit aſſurer Cyrus, que dans deux jours toute l’Armée arriveroit devant Artaxate. Ce Prince le reçeut aveque joye, & parce que ce qu’il luy diſoit luy eſtoit agreable, & parce qu’il eſtoit Amy d’Aglatidas. Il s’informa aveque ſoing de la ſanté de Ciaxare ; de celle des Rois de Phrigie & d’Hircanie ; de tous les autres Princes qui eſtoient dans cette Armée ; & de l’eſtat où elle eſtoit. En ſuitte de quoy jugeant à propos d’aller aprendre cette nouvelle au Roy d’Aſſirie, & à la Princeſſe Araminte : il dit fort obligeamment à Aglatidas, qu’il priſt ſoing de ſon
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