Artabane, avec plus de liberté & plus de loiſir qu’il n’en avoit eu : afin d’apprendre plus particulierement de luy, tout ce qu’il sçavoit d’Ameſtris. Cependant apres que Cyrus eut apris à la Princeſſe Araminte, l’arrivée du Roy d’Aſſirie, & la nouvelle qu’il venoit de recevoir de Ciaxare : il paſſa à l’Apartement de ſon Rival, de qui les ſentimens n’eſtoient guere plus tranquiles que ceux de Cyrus : qui du moins pouvoit vray-ſemblablement eſperer d’eſtre aimé & d’eſtre heureux, dés qu’il auroit delivré Mandane, & vaincu le Roy d’Aſſirie. Mais pour luy, il ne pouvoit qu’en ſe flattant ſur l’eſperance de l’Oracle, pretendre jamais à autre ſatisfaction, qu’à celle de ſe vanger de Cyrus s’il le ſurmontoit. Ce n’eſt pas que comme l’eſperance eſt inſeparable de l’amour ; il ne creuſt quelques-fois que ſi cét illuſtre Rival n’eſtoit plus, il ne peuſt occuper ſa place : mais ces momens là paſſoient bien viſte : & il croyoit bien plus ſouvent, malgré cette aſſurance qu’il penſoit avoir reçeuë du Ciel, que quand meſme il auroit tué Cyrus, il en ſeroit encore plus haï, qu’il ne croyoit en devoir eſtre plus aimé. C’eſtoit donc en de pareils ſentimens que ce Prince s’entretenoit, lors que Cyrus entra dans ſa Chambre, pour luy dire ce qu’il venoit d’aprendre par Artabane : apres luy avoir parlé un quart d’heure, pour reſoudre quel Quartier on donneroit le lendemain aux Troupes qu’il avoit amenées, il le quitta, pour aller ſonger à tant d’autres choſes qu’il avoit à faire : pendant quoy le Roy d’Aſſirie fut viſiter la Princeſſe Araminte, apres luy en avoir envoyé demander la permiſſion, qu’elle luy accorda. Mais durant que cette converſation ſe fit, Cyrus envoya advertir ceux qui commandoient aux divers Poſtes
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