Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/540

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fut arrivée coucha touſjours au Camp, auſſi bien que le Roy d’Aſſirie : qui ſuivant ſon ancienne couſtume, ne pût ſouffrir que ſon Rival fiſt plus que luy. Cependant on tint Conſeil de Guerre, pour reſoudre ſi on ſe contenteroit de continuer d’empeſcher ſeulement le paſſage des vivres à l’Ennemi, ou ſi on forceroit le Roy d’Armenie ſur ces Montagnes, qui paroiſſoient ſi inacceſſibles. Le Roy d’Aſſirie tout vaincu & tout ennemi qu’il eſtoit luy meſme, eut ſa voix en cette deliberation : Mais quoy que Cyrus & luy, euſſent tous deux dans leur cœur des ſentimens de jalouſie, qui ne pouvoient eſtre ſans haine, & ſans une ſecrette inclination à ſe contredire en toutes choſes, ils furent pourtant tous deux d’un advis : & furent meſme les ſeuls qui conclurent à forcer le Roy d’Armenie ſur ces Montagnes. Ce n’eſt pas qu’aſſurément ils ne connuſſent la raiſon : mais c’eſt que s’agiſſant de Mandane, & donnant leurs advis à la preſence l’un de l’autre, ils vouloient tous deux aller aux choſes les plus difficiles & les plus haſardeuses pour eux. C’eſtoit en vain qu’Hidaſpe leur diſoit, que quelques Soldats Armeniens qu’on avoit faits priſonniers, aſſuroient que leur Prince n’avoit plus de vivres que pour fort peu de jours : car ils reſpondoient à cela, qu’il ne faloit pas ſe fier à ce raport ; parce que c’eſt l’ordinaire aux Vaincus de cette condition, de vouloir flater leurs Vainqueurs, par quelque nouvelle avantageuſe à leur Party, eſperant en eſtre mieux traitez. Si on leur repreſentoit, combien ces Montagnes eſtoient inacceſſibles : & ſi on leur faiſoit voir, qu’avec des pierres ſeulement, & en faiſant rouler du haut en bas de gros cailloux & des morceaux de roche, ſix mille hommes les pouvoient