Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/541

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deffendre contre deux cens mille : n’oſant pas démentir leurs propres yeux, ny contredire directement ce qu’on leur objectoit ; ils diſoient, qu’ils advoüoient bien qu’il y auroit des gens à perdre : mais qu’il ne faloit pas balancer cela avec la honte qu’il y auroit, d’avoir une ſi puiſſante Armée au pied de ces Montagnes ſans rien entreprendre. Qu’il eſtoit neceſſaire d’eſtre bien toſt eſclaircis du lieu où eſtoit la Princeſſe Mandane : & que pour l’eſtre, il faloit prendre le Roy d’Armenie le plus promptement que l’on pourroit : & non pas s’amuſer à vouloir ſimplement attendre que la faim le fiſt ſortir de ſon Azile. Que peut-eſtre pendant qu’ils ſeroient occupez à garder ſeulement les paſſages & les advenuës de ces Montagnes, tous les Peuples des deux Armenies s’uniſſant, & ſe ſous-levant tout d’un coup, leur donneroient apres bien de la peine : & qu’enfin leur advis eſtoit, de forcer les Ennemis. Mais quoy que les advis de Cyrus euſſent accouſtumé d’eſtre touſjours ſuivis, il n’en fut pas de meſme cette fois là : car tout d’une voix il fut reſolu, que sçachant preſques de certitude que le Roy d’Armenie avoit tres peu de vivres : & que sçachant auſſi qu’à moins que de vouloir faire perir trente mille hommes, on ne pourroit venir à bout de ce deſſein : il fut, dis je, reſolu que l’on garderoit ſeulement les paſſages. Que l’on repouſſeroit vigoureuſement, tous ceux qui voudroient deſcendre des Montagnes : & que pour les laſſer, on feroit quelques fois ſemblant de les attaquer par divers endroits ; n’eſtant pas juſte de faire perir tant de monde, par une ſimple impatience : principalement n’ayant alors aucune certitude que la Princeſſe Mandane fuſt en ce lieu là. Cét advis general ayant donc eſté ſuivy,