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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/548

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Neantmoins la raiſon l’emporta cette fois là ſur l’amour : & Cyrus ſe reſolut de differer de quelques heures, à ſatisfaire ſon envie. Cependant comme le Prince Thraſibule ne paroiſſoit point, & qu’il avoit sçeu que ſes Chirurgiens venoient de ſa Tente, il leur demanda qui ils y avoient penſé ? Ils luy reſpondirent que c’eſtoit un homme de fort bonne mine, qui eſtoit en grand danger de mourir, & qui diſoit cent choſes obligeantes à Thraſibule, qui paroiſſoit eſtre auſſi fort touché : & qu’aſſurément c’eſtoit un homme de condition. Comme Cyrus alloit envoyer luy demander qui c’eſtoit, Thraſibule ayant laiſſé ſon Priſonnier bleſſé en repos, ſuivant les ordres des Chirurgiens, vint luy rendre conte de ſon avanture : Cyrus ne l’aperçeut pas plus toſt, que voyant beaucoup de melancolie ſur ſon viſage. Qu’avez vous, genereux Prince ? luy dit il fort obligeament : & ſeriez vous bien aſſez malheureux, pour avoir bleſſé un Amy de Thraſibule, en penſant ſeulement bleſſer un de nos ennemis ; Seigneur, luy dit il, pour vous faire connoiſtre mon avanture d’aujourd’huy, il faudroit vous dire toute ma vie : eſtant impoſſible que vous puiſſiez comprendre autrement la bizarrerie de mon deſtin. Car, Seigneur, quand je vous auray dit que celuy qui eſt voſtre Priſonnier, & qui eſt bleſſé dans ma Tente, eſt Fils du ſage Pittacus Prince de Mytilene, & qu’il s’appelle Tiſandre : vous sçaurez ſans doute qu’il eſt fils d’un des premiers hommes de toute la Grece : mais vous ne sçaurez pas pour cela qu’il y a tant de ſentimens differens dans mon cœur pour luy, que je ne ſuis pas bien d’accord avec moy meſme pour ce qui le regarde. Il y a longtemps, luy dit Cyrus, que j’ay une envie extréme de sçavoir