Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/561

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au lieu d’un aupres d’Aſſise : & ayant en ſuitte recouvré la ſanté, il fut apres cela Amy particulier du Prince mon Pere : qui depuis cét accord, fut tres paiſible poſſesseur de ſon Eſtat, malgré toutes les diverſes factions qu’il sçavoit eſtre, en ſecret parmi ſes Sujets. Car il avoit une Politique ferme & hardie, qui le faiſoit craindre de tout le monde : & qui deſtruisoit toutes les conjurations que l’on faiſoit contre luy.

Les choſes eſtant en ces termes, il veſcut avec aſſez de tranquilité durant long temps : & Milet fut aſſurément la plus magnifique Ville de toute la Carie. Je pouvois avoir alors treize ou quatorze ans, & un fils naturel du Prince mon Pere nommé Alexideſme, dix ſept ou dix huit ; comme il l’avoit eu d’une Eſclave dont il avoit eſté fort amoureux, il l’aimoit beaucoup : & le faiſoit eſlever preſque avec les meſmes ſoins que moy. Comme j’avois perdu fort jeune la Princeſſe ma Mere, & qu’il avoit depuis affranchi & eſpousé celle d’Alexideſme, ce Prince illegitime avoit un puiſſant appuy dont j’eſtois privé : car cette Femme eſt une perſonne d’un eſprit artificieux & adroit, capable de toutes choſes. En ce temps-là le ſage Thales ſi connu & ſi celebre, revint d’un long voyage qu’il avoit fait en Egipte, durant que Solon y eſtoit : & il conçeut une ſi grande amitié pour moy, que je puis dire ſans menſonge, que je dois à ſes preceptes & à ſes conſeils, le peu de vertu que j’ay. Si j’en euſſe pourtant profité autant que je le devois, je ne ſerois pas ſans doute auſſi malheureux que je le ſuis : car il m’avoit touſjours tant parlé contre l’amour, & meſme contre le mariage : que ſi j’euſſe ſuivi ſes avis, je n’aurois du moins eu qu’une partie de mes malheurs. La regle principale qu’il