Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/569

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par l’ambition, preſſoit tous les jours Melaſie de faire declarer le Prince mon Pere en faveur d’Alexideſme ; l’aſſurant qu’il eſtoit aiſé de le faire : & luy diſant qu’il ne faloit que dire publiquement, qu’elle avoit touſjours eſté ſa Femme legitime : que la Princeſſe ma Mere ne l’avoit jamais eſté : qu’Alexideſme eſtant plus âgé que moy, devoit regner le premier : & qu’enfin il faloit aſſurer la choſe de ſon vivant. Melaſie promit d’en parler, & en parla : mais le Prince mon Pere ne voulut jamais luy reſpondre preciſément : de ſorte qu’ayant l’eſprit fort aigri, elle en confera avec Anthemius. Le Prince de Phocée revint auſſi dans Milet, pour conſulter de nouveau avec Anthemius & avec Melaſie : & ils reſolurent. tous enſemble, qu’il faloit empoiſonner le Prince mon Pere durant mon abſence, & faire reconnoiſtre Alexideſme pour Souverain. Le Prince de Phocée adjouſta, à ce que j’ay sçeu, qu’il ne doutoit pas que je n’euſſe des Amis : mais que moy n’eſtant pas dans la Ville, ils n’agiroient ſans doute pas trop fortement. Joint que le Prince de Phocée dit qu’il feroit entrer du monde ſecrettement dans Milet. Anthemius euſt bien voulu que cela n’euſt pas eſté, afin de pouvoir peut-eſtre aller à la liberté tout d’un coup : mais il n’oſa neantmoins s’y oppoſer ouvertement, de peur de ſe rendre ſuspect : & de deſcouvrir la ſeconde Conſpiration qu’il meditoit dans ſon cœur. Le ſage Thales, quoy que fort occupé à ſes Eſtudes, fut pourtant adverty que l’on tramoit quelque choſe : de ſorte que sçachant qu’il partoit un Vaiſſeau que le Prince mon Pere m’envoyoit, chargé de munitions, il m’eſcrivit un billet de peu de mots : où il me faiſoit sçavoir, que ma preſence eſtoit neceſſaire à Milet.