Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/59

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par ſes remedes, que pour luy faire ſouffrir une mort plus cruelle.

Cependant le Sacrifice fut veritablement un Sacrifice d’action de graces : & Ciaxare ſe ſentit ſi puiſſamment inſpiré par les Dieux, à renouveller ſa tendreſſe pour Cyrus, & à l’augmenter s’il eſtoit poſſible, que ſon eſprit ſe trouva tout à fait tranquile. Le ſage Thiamis, qui depuis le premier jour qu’il avoit veû Cyrus ſous le nom d’Artamene, l’avoit touſjours cherement aimé : fit encore un diſcours au Roy extrémement fort, & extrémement beau, pour le confirmer d’autant plus dans les bons ſentimens où il le voyoit. Il faudroit bien, luy diſoit Ciaxare, que j’euſſe abſolument perdu la raiſon, ſi j’eſtois capable d’ingratitude, pour un homme qui me ſauve la vie en hazardant la ſienne, apres que je l’ay voulu faire mourir. Car ſage Thiamis, luy diſoit il, ce genereux Prince c’eſt contenté de parer de la main gauche le coup qu’on luy portoit : & s’eſt expoſé à recevoir celuy qui me devoit traverſer le cœur, en me couvrant de ſon corps. Non, non adjouſta t’il : ne craignez plus ri ? de moy de ce coſté là : je conſerveray Cyrus toute ma vie comme mon Protecteur : & comme un Prince enfin que les Dieux ont envoyé pour ma gloire, & pour ma felicité. Ce fut en de pareils ſentimens que le Roy ſe retira : voulant touſjours que le Roy ſe retira : voulant touſjours que Cyrus fuſt aupres de luy. Cette action ayant eſté sçeuë non ſeulement de tout ce qu’il y avoit de monde à Sinope, mais de tout le Camp : ce furent des redoublemens d’acclamations eſtranges ; & jamais Artamene n’avoit eſté ſi cherement aimé de Ciaxare, que Cyrus l’eſtoit alors : de ſorte qu’en moins de trois jours, la joye fut remiſe & dans l’ame du Roy, & dans celle de toute la Cour. Ciaxare voulut meſme envoyer en Perte,