Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/603

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plus criminel : & que ce fut pluſtost un effet de la violence de ma paſſion, que du déreglement de mon ame. Cependant ne pouvant ny me raprocher du rivage, ny m’en eſloigner : & sçachant pourtant : qu’il faloit abſolument faire le dernier, & par honneur, & par neceſſité ; je ne pûs toutefois m’y refondre, ſans eſtre aſſuré que du moins Alcionide sçauroit que je l’aimois. Ainſi je pris le deſſein de luy eſcrire & de luy faire porter ma Lettre par un des miens, que j’envoyerois dans un Eſquif. J’eſcrivis donc ; mais Dieux, que de peine j’eus à eſcrire ! Touteſfois j’en vins enfin à bout, & ſi je ne me trompe, cette Lettre eſtoit à peu prés en ces termes.


A LA BELLE ALCIONIDE.

J’ay tant de choſes à vous dire, que je ne ſuis pas peu occupé, à leur donner quelque ordre dans mon eſprit : car enfin divine Alcionide, je voudrais que vous puſſiez sçavoir en meſme temps, que la paſſion que j’ay pour vous eſt extréme ; que ma condition n’eſt pas telle qu’elle vous paroiſt ; que la douleur que j’ay de vous quitter eſt inconcevable ; que le repentir que j’ay d’avoir