Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/622

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bien que nous couchaſmes en meſme Chambre Tiſandre & moy. Comme l’amendement d’Alcionide luy avoit mis l’eſprit en repos, il s’endormit aiſément : mais malgré que j’en euſſe, mes ſouspirs & mes inquietudes le réveillerent, & l’empeſcherent de dormir le reſte de la nuit, ſans que je vouluſſe luy en aprendre la veritable cauſe, quoy qu’il me la demandaſt plus d’une fois. Le lendemain au matin Alcionide eſtant touſjours aſſez bien, nous vouluſmes aller dans ſa Chambre : mais en y allant, nous rencontraſmes les Chirurgiens, qui pour s’eſclaircir s’ils avoient bien oſté tout le bois de la Javeline froiſſée qui pouvoit eſtre dans la bleſſure d’Alcionide, la regardoient de tous les coſtez. De ſorte que Tiſandre s’y eſtant arreſté, & la regardant comme les autres, aperçeut le Nom d’Alcionide qui eſtoit peint & gravé deſſus. Je voulus la luy oſter des mains, feignant de la vouloir auſſi voir par curioſité : mais il avoit deſja veû ce que je craignois qu’il ne viſt : ſi bien que rougiſſant extrémement, cette Javeline eſt ſi remarquable, dit il, que je ne doute pas que vous ne connoiſſiez celuy à qui elle eſt. Comme elle fut faite à Gnide, repliquay-je, par une ſimple galanterie, je sçay en effet quelle eſt la main qui s’en eſt ſervie en cette malheureuſe occaſion : mais puis que le mal qu’elle a fait ſera bien toſt reparé, il en faut perdre la memoire. Apres cela nous entraſmes dans la Chambre d’Alcionide ; qui avoit deſja sçeu par ſa Parente, qui l’avoit apris de Leoſthene, que j’eſtois Prince de Milet, & Amy de Tiſandre : mais comme elle ne sçavoit pas ſi je dirois à ſon Mary que j’avois eſté à Gnide, ou ſi je ne le dirois point, elle ſe trouvoit un peu embarraſſée, à ce que dit depuis ſa Parente à Leoſthene.