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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/621

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faloit point la voir que le lendemain. Voila donc Tiſandre abſolument dans la joye : pour moy j’en avois auſſi beaucoup : neantmoins je ne pus jamais la gouſter toute pure : de ſorte que mou Amy s’eſtonnant touſjours davantage de me voir auſſi inquiet qu’il me voyoit, luy qui m’avoit veû touſjours l’eſprit aſſez tranquile, meſme apres avoir perdu mes Eſtats : ſe mit à me faire cent queſtions differentes ; à une deſquelles, ſans y penſer, reſpondant à ce qu’il me demandoit, je luy dis que ce qu’il vouloit sçavoir de moy, m’eſtoit advenu auſſi toſt apres mon départ de Gnide. De Gnide ! reprit il au meſme inſtant ; & y avez vous quelquefois abordé ? Ouy (luy dis je tout ſurpris, & ne pouvant plus le nier) la tempeſte m’y jetta un jour, & j’y fis racommoder mon Vaiſſeau. Tiſandre rougit à ce diſcours : & me regardant attentivement, vous y viſtes donc Alcionide, me dit il ; il eſt vray, luy repliquay-je, & c’eſt une des raiſons qui a fait que l’ay encore eſté plus affligé, quand j’ay veû qu’elle eſtoit bleſſée. Mais pourquoy ne me l’avez vous point dit d’abord ? repliqua t’il ; je n’en sçay ri ?, luy reſpondis-je, ſi ce n’eſt que cét accident m’a ſi fort trouble, que je ne sçavois pas trop bien ce que je faiſois. Et puis, adjouſtay-je, je ne ſus connu en ce lieu là que pour un Pirate : & je n’y paſſay pas pour ce que je ſuis. Comme je me contraignois extrémement, Tiſandre ne put tirer une forte conjecture do ma reſponse : de ſorte que ne me diſant plus rien, le reſte du ſoir ſe paſſa de cet te façon. Je ne pus meſme aller cette nuit là dans mon Vaiſſeau, parce que le vents s’eſtant levé aſſez violent, on n’oſoit aprocher les deux Navirez de peur de choquer, ny mettre l’Eſquif en mer : ſi