Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/634

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pas encore ce que je vous veux demander, & vous me querellez cruellement ! Ce que vous m’avez déja dit, reprit elle, ſuffit pour me donner ſujet de me pleindre de vous. Je ne sçay pas, luy dis-je, ſi je me ſuis mal expliqué : mais je sçay bien que ce que je penſe n’eſt pas fort criminel. Car enfin, divine Alcionide, je ne veux autre choſe de vous preſentement, ſinon que vous revoquiez en ma preſence, cet injuſte & cruel Arreſt, que vous avez prononcé contre moy, au meſme lieu où vous eſtes : lors qu’en donnant à cette Fille que je voy, la Lettre que j’avois eu l’audace de vous eſcrire, avec ordre de la jetter dans la Mer : Vous avez dit de plus, que vous eſtiez reſoluë de m’oublier abſolument. Je l’ay entendu, Madame, cét injuſte Arreſt ; & j’en eſpere la revocation. Alcionide fut ſi ſur priſe de m’entendre parler de cette ſorte, & de ſe reſſouvenir qu’elle avoit effectivement oüy certain bruit qui luy faiſoit comprendre que je l’avois eſcoutée, qu’elle n’oſoit preſques me regarder. Quoy, me dit elle, vous avez entendu ce que j’ay dit ! Ouy, repliquay-je, Madame, je l’ay entendu : & eſtant plus equitable que vous, je n’en perdray jamais la memoire. Je ne demande plus, dit elle toute interdite, d’où vient voſtre hardieſſe ; touteſfois il me ſemble que ſi vous avez bien peſé le ſens de toutes mes paroles, vous avez deû juger que voſtre procedé me deſobligeroit. Je n’ay pas ma raiſon aſſez libre, luy dis-je, pour agir avec tant de prudence : mais j’ay touſjours aſſez d’amour pour deſirer du moins que vous me laiſſiez occuper quelque place en voſtre ſouvenir. Il me ſemble, Madame, que ce n’eſt pas trop vous demander, pour une perſonne qui vous a conſacré tous les momens de ſa