Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/641

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dit qu’il eſt à craindre que ſi le Peuple s’accouſtume à la liberté, il ne veüille plus recevoir de Maiſtre : & que cependant le Prince de Phocée fait ligue avec tous les Eſtats voiſins contre ceux de Milet, pour les intereſts d’Alexideſme. Mais Seigneur, oſeray-je vous dire apres cela, que Leoſthene qui a eſpousé la Perſonne qu’il aimoit, m’a dit qu’Alcionide ne fut jamais ſi belle qu’elle eſt preſentement ? Et pourrez vous excuſer ma foibleſſe, de vous parler plus toſt de ce qui regarde mon amour, que de ce qui regarde mes affaires ? Cyrus voyant que Thraſibule n’avoit plus rien à luy aprendre ? luy teſmoigna eſtre tres affligé de ſes malheurs : mais auſſi tres reſolu d’y aporter tous les remedes neceſſaires : principalement à ceux de l’ambition : car pour ceux de l’amour, luy dit il, vous sçavez mon cher Thraſibule, qu’il faut que la meſme main qui bleſſe, gueriſſe. Cependant tout voſtre Rival qu’eſt le Prince Tiſandre, je le trouve ſi digne d’eſtre aſſisté, que je vous louë infiniment des ſoins que vous avez de luy.

Comme Cyrus alloit continuer, & dire à Thraſibule les voyes qu’il imaginoit de le pouvoir faire rentrer en poſſession de ſon Eſtat : Leoſthene entra dans la Tente où ils eſtoient tout effrayé. Seigneur, dit il à Cyrus qui entendoit toutes les Langues, je vous demande pardon ſi j’ay la hardieſſe de vous interrompre : mais le Prince Tiſandre eſtant à l’extremité, j’ay creû que je le devois faire, pour en advertir le Prince Thraſibulé. A l’extremité ! reprit Cyrus, Ouy Seigneur, repliqua Leoſthene, car ayant voulu eſcrire malgré tout ce que je luy ay pû dire pour l’en empeſcher ; comme il a eu achevé ſa Lettre, toutes ſes bleſſures ſe ſont