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Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/647

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Thraſibule luy meſme, malgré toute l’eſperance qu’il devoit concevoir par la mort de ſon Amy, en fut veritablement affligé. Auſſi prit il un ſoing fort particulier de luy faire rendre les derniers honneurs de la Sepulture, avec toute la ceremonie que meritoit un homme de cette condition. Le lendemain au matin la choſe ſe fit : & Cyrus, auſſi bien que les Rois d’Aſſirie, de Phrigie, d’Hircanie, & tous les autres Princes qui eſtoient en cette Armée, y aſſista : & donna toutes les marques qu’il pouvoit donner, de l’eſtime qu’il faiſoit du Prince Tiſandre. En ſuitte de cela, Cyrus dit à Thraſibule, que les affaires de ſon Eſtat, & celles de ſon amour, demandant qu’il s’en retournaſt bien toſt à Milet & à Leſbos, il alloit y donner ordre dans peu de temps.

Cependant le Prince Phraarte qui s’en eſtoit retourné vers le Roy ſon Pere, avoit trouvé les choſes en de pitoyables termes : parce qu’il n’y avoit plus de vivres que pour deux jours, quoy que le Roy d’Armenie euſt touſjours fait ſemblant juſques alors, de peur d’oſter le cœur à ſes Soldats, qu’il y en avoit pour plus d’un mois : eſperant toujours que Ciaxare ſe laſſeroit, & décamperoit enfin d’aupres d’Artaxate. Phraarte aprenant donc ce qu’il ne sçavoit pas dit au Roy ſon Pere, qu’en l’eſtat qu’il voyoit les choſes, il faloit neceſſairement avoir recours à la clemence des Vainqueurs, puis que la force eſtoit inutile. Mais que pour la meriter, il faloit ſelon ſon ſens, avoir de l’ingenuité : & dire effectivement à Ciaxare, ſi la Princeſſe Mandane & le Roy de Pont eſtoient dans ſes Eſtats : ou s’ils n’y eſtoient point. Que pour le Tribut qu’on luy demandoit, quoy qu’il fuſt touſjours juſte de payer ce que l’on avoit promis, il sçavoit touteſfois