Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/657

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en moins de temps, de tout ce que l’on pourroit aprendre de Mandane. Apres que Thraſibule eut pris congé de Ciaxare, la ſeparation de ce Prince & de Cyrus fut extrémement tendre & touchante : car depuis le premier jour qu’ils avoient combatu l’un contre l’autre, ils avoient conçeu tous deux une ſi haute eſtime de leur vertu, qu’il n’eſtoit pas poſſible que l’amitié que cette eſtime avoit fait naiſtre, ne fuſt extraordinairement forte. Les Noms de Mandane, & d’Alcionide, furent prononcez plus d’une fois à cette ſeparation, qui ſe fit en particulier : Thraſibule demanda pardon à Cyrus, de ce qu’il le quittoit auparavant qu’il euſt eu des nouvelles de ſa Princeſſe : & il l’aſſura que s’il euſt veû qu’il euſt encore eu des Ennemis à combattre, il auroit eu bien de la peine à s’y reſoudre. Cyrus de ſon coſté le pria tres civilement de l’excuſer, s’il n’alloit pas en perſonne, le remettre en poſſession de ſon Eſtat, & perſuader Alcionide d’obeïr au Prince Tiſandre. Cependant comme il creût que des Grecx aſſisteroient volontiers un Grec, Thimocrate, Philocles, & Leontidas, furent choiſis pour cela : & priez par Cyrus de vouloir le ſervir, en la perſonne de Thraſibule. Ils eſtoient trop braves, pour refuſer une occaſion de guerre : mais ils ne purent touteſfois ſe reſoudre à partir d’aupres de Cyrus, ſans en avoir beaucoup de douleur. Thimocrate luy dit en s’en ſeparant, qu’il voyoit bien que ſon deſtin n’avoit point changé : & que l’abſence feroit touſjours les plus grands ſuplices de ſa vie : eſtant certain qu’il ne s’eſloignoit de luy qu’avec un regret extréme. Philocles ſe pleignit encore fort obligeamment, de n’eſtre non plus aimé de Cyrus que de ſa Maiſtresse : puis que