Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/661

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ils prenoient le chemin des Matenes qui touchent l’Armenie & la Cilicie. Ce Prince n’eut pas pluſtost sçeu cette nouvelle, que comme l’on croit aiſément ce que l’on deſire, il ne douta preſques point que cette Princeſſe que l’on ne connoiſſoit pas ne fuſt Mandane : & que ce Prince inconnu, ne fuſt auſſi le Roy de Pont. De ſorte qu’allant en diligence pour en advertir Ciaxare, il rencontra Cyrus : qui luy voyant tant de marques de joye dans les yeux, ne pût s’empeſcher de luy en demander la cauſe. Si bien qu’encore que le Roy d’Aſſirie fuſt en quelque façon fâché de dire une bonne nouvelle à ſon Rival, il luy aprit pourtant ce qu’il croyoit sçavoir de la Princeſſe Mandane : ce qui donna d’abord une ſi grande joye à Cyrus. qu’il penſa embraſſer ſon plus mortel ennemy pour luy en rendre grace. Mais un moment apres, un ſentiment de douleur ſe meſla à la ſatisfaction qu’il avoit : voyant que Ciaxare entendroit parler de Mandane par ſon Rival pluſtost que par luy : car il ne douta point que ce ne fuſt elle ; tant à cauſe qu’il jugeoit que le Roy de Pont auroit bi ? creû trouver un Azile aupres d’Abradate, qui avoit touſjours haï les Medes : que parce que la Riviere d’Halis ſur laquelle on sçavoit bien que Mandane avoit eſté, traverſe en effect la Mantiane : & l’on sçavoit de plus, que les Matenes eſtoient alliez d’Abradate. Ainſi croyant ce que le Roy d’Aſſirie croyoit, il luy dit qu’il faloit en diligence advertir Ciaxare de la choſe, & monter à cheval à l’heure meſme : afin d’aller vers les frontieres d’Armenie, qui confinent avec la Mantiane, pour s’informer de la marche d’Abradate ; pour le ſuivre ; & pour le combatre. Ils furent donc enſemble chez Ciaxare, qui auſſi impatient qu’eux, leur dit, apres les avoir eſcoutez, qu’ils allaſſent