Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/67

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Mais, luy diſoit il alors tout comblé de joye, la Princeſſe ne vous a pas dit ce que vous me dittes, & ce n’eſt que ſur de foibles conjectures que vous fondez voſtre croyance, & que vous flatez ma paſſion. Cependant Marteſie, adjouſta t’il, je ne murmure point contre Mandane : j’ay plus de gloire que je n’en merite : & quand je ſerois mal traitté ; & quand meſme je ſerois puni de ma temeraire hardieſſe, je ne m’en pleindrois ſans doute pas.

C’eſtoit de cette ſorte que Cyrus s’entretenoit avec Marteſie, toutes les fois qu’il le pouvoit, n’ayant lors que trois choſes à faire : l’une, d’aller au Camp, pour y donner ordre à tout ce qui eſtoit neceſſaire pour la guerre d’Armenie : l’autre de rendre à Ciaxare tous les ſoings & toutes les ſoumissions imaginables : & la derniere, d’aller viſiter Marteſie : luy ſemblant que c’eſtoit en quelque façon voir ſa Princeſſe, que de voir une fille qu’elle aimoit avec une tendreſſe extréme, & qu’elle eſtimoit beaucoup. En effet, Marteſie eſtoit une perſonne excellente en toutes choſes : elle eſtoit de fort bonne condition ; ſa beauté n’eſtoit pas ſimplement de celles qui ont de l’eſclat ; mais encore de celles qui ont de nouveaux charmes plus on les conſidere. Car comme elle avoit beaucoup d’eſprit, & de l’eſprit agreable & ſolide tout enſemble : plus on la voyoit, plus on la trouvoit belle, & plus on la trouvoit charmante. Auſſi Feraulas n’eſtoit il pas le ſeul qui la viſitoit : & durant le ſejour que l’on fut contraint de faire à Sinope, toute la Cour eſtoit chez elle. Tout ce qu’il y avoit de Dames à la Ville, la voyoient aveque ſoin : & tout ce qu’il y avoit de Princes, remarquant avec quelle civilité Cyrus la traitoit, la voyoient auſſi avec beaucoup d’aſſiduité &