Page:Scudéry - Artamène ou le Grand Cyrus, troisième partie, 1654.djvu/66

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à Sinope : comment Mazare l’en avoit fait ſortir, feignant de la vouloir mettre en liberté : & comment enfin elle eſtoit tombée entre les mains du Roy de Pont, apres qu’il avoit perdu ſes Royaumes. Marteſie ſatisfit pleinement ſa curioſité : mais elle ne voulut pas luy parler de l’Oracle favorable qu’avoit reçeu à Babilone le Roy d’Aſſirie : de peur de l’affliger de nouveau, par une choſe ſi faſcheuse : De ſorte qu’il y avoit des momens, où il eſtoit preſque heureux. Car lors que Marteſie luy exageroit, avec quelle fermeté Mandane avoit reſisté à la paſſion de trois des plus Grands Princes du monde, & les plus honneſtes gens ; il en avoit une joye incomparable. Et cherchant meſme à l’augmenter, & à ſe faire encore dire quelque choſe qui luy fuſt avantageux : mais apres (diſoit il à Marteſie, en la regardant attentivement, comme s’il euſt voulu penetrer dans le fonds de ſon cœur, pour y connoiſtre la verité de ce qu’il vouloit sçavoir) toute cette noble fierté avec laquelle l’illuſtre Mandane a reſisté à mes Rivaux, n’a ſans doute eſté qu’un pur effet de ſa vertu : & le malheureux Artamene, & l’infortuné Cyrus, n’y ont certainement rien contribué. Voulez vous Seigneur, reprit malicieuſement Marteſie, que j’aye cette complaiſance là pour vous, de ne vous contredire point ? Je veux, luy dit il, sçavoir là verité toute pure ; pourveû qu’elle ne me deſespere pas. Non Seigneur, repliqua t’elle, non, je ne vous deſespereray point, quand je vous diray (ſans le sçavoir pourtant de la bouche de la Princeſſe) que je ne voy pas par quelle raiſon elle auroit ſi opiniaſtrément rejetté l’affection du Roy d’Aſſirie qui ne choquoit point ſa vertu, ſi l’illuſtre Artamene ne luy euſt peut-eſtre diſputé l’entrée de ſon cœur.