dans le Temple des Muſes, qui eſt baſti tout contre ce ruiſſeau, & qui touche celuy d’Apollon : & qu’en ſuite la Pithie eſtant ſous un Dais, & ſur un Throſne, reçoit les demandes de ceux qui viennent conſulter le Dieu. Apres quoy elle va ſe mettre ſur le ſacré Trepié : où eſtant inſpirée du Dieu qui l’agite, elle rend les Oracles à ceux qui la conſultent. Mais je vous diray apres cela, que malgré toute la magnificence des Offrandes de Creſus, qui eſtoit tres grande : car il y avoit une Statuë de femme de grandeur naturelle d’un or tres fin, & d’un travail admirable : il y avoit encore trente Vaſes les plus beaux du monde : & une Lampe d’or cizelé, la plus riche que l’on ſe puiſſe imaginer. Mais malgré, dis-je, toutes ces precieuſes choſes, depuis que la compagnie commença de ſe former, je ne les regarday plus avec tant d’attention. Et comme ſi j’euſſe attendu quelqu’un, par un pre-ſentiment de mon malheur, j’eus touſjours la teſte tournée du coſté de la porte du Temple, pour regarder toutes les Dames qui entroient, & pour demander leurs Noms à Meleſandre. Neantmoins comme la preſſe eſtoit fort grande, je ne pouvois pas les diſcerner toutes : & il en paſſoit beaucoup, que je n’avois pas loiſir de conſiderer. J’en vis donc entrer pluſieurs extrémement belles, que je regarday pourtant d’un eſprit tranquile, & ſans que mon cœur en fuſt eſmeu : Mais comme la ceremonie fut achevée, & que pour voir encore mieux toutes les Dames, Meleſandre & moy fuſmes allez nous mettre aſſez prés de la porte, à parler à deux ou trois de ſes Amis, qui nous vinrent joindre : je vy ſortir d’entre des Colomnes de Marbre qui ſoutiennent la voûte du Temple, une Perſonne que ces Colomnes
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