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Page:Segalen - L’Observation médicale chez les écrivains naturalistes.djvu/63

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adopterons : la théorie moderne de l’hérédité, même aux époques lointaines où M. Zola entreprit la série des Rougon-Macquart, était déjà puissante ; très nébuleuse encore, mais susceptible d’application dramatique. Au fond, n’est-elle pas, cette théorie, la descendante actuelle du Fatum antique et du Péché Originel ? Œdipe-Roi et le Paradis perdu en étaient déjà magnifiquement imprégnées. Pourquoi devient-elle, en certaines pages du Docteur Pascal, indigeste et verbeuse ? Ce n’est pas non plus faute de recours aux sources. Nous savons combien elles furent ingénieuses[1], nous croyons simplement que l’assimilation en fut insuffisante : M. Zola absorba des mots et les rendit intacts :

« Problème ardu (médite le docteur Pascal), et dont il remaniait la solution depuis des années. Il était parti du principe d’invention et du principe d’imitation ; l’hérédité ou reproduction des êtres sous l’empire des semblables, l’innéité ou reproduction des êtres sous l’empire des divers. Pour l’hérédité, il n’avait admis que quatre cas : l’hérédité directe, représentation des collatéraux, oncles et tantes, cousins et cousines ; l’hérédité en retour, représentation des ascendants, à une ou plusieurs générations de distance ; enfin l’hérédité d’influence, représentation des conjoints antérieurs… Quant à l’innéité, elle était l’être nouveau, ou qui paraît tel, et chez qui se confondent les caractères physiques et moraux des parents, sans que rien d’eux semble s’y retrouver.

… » Il était allé des gemmules de Darwin, de sa pangénèse, à la périgénèse de Hœckel, en passant par les stirpes de Galton. Puis, il avait eu l’intuition de la théorie que Weissmann devait faire triompher plus tard, il s’était arrêté à l’idée d’une substance extrêmement fine et complexe, le plasma germinatif, dont

  1. Ce fut d’abord : « Le gros bouquin de Lucas sur « l’Hérédité naturelle » comme Zola l’indiqua lui-même au Dr Cabanès. Mais il abandonna ce traité « bien démodé aujourd’hui » et consulta le Dr Pouchet, un Rouennais qu’il avait connu chez Flaubert, s’inspira ensuite de la thèse d’agrégation du Dr Déjeriné et des travaux de Weissmann. (Chronique médicale, 15 nov. 1895, p. 677). C’est de ces origines très respectables, complétées par la très fine érudition du Dr Maurice de Fleury, qu’il tira les vingt volumes en question.