nous des cordes harmoniques, les feront sonner au passage. Les Illuminations et quelques poèmes sont, dans l’œuvre de Rimbaud, ces vibrations accordées pour lui seul. « J’ai seul la clef de cette parade sauvage ! » Qu’avons-nous, dès lors, à en espérer ? Rien ; qu’à recueillir ce qui par hasard nous émeut, en considérant sans dédain le reste.
Les derniers écrits de Rimbaud, Une saison en Enfer, ne relèvent point des mêmes réserves : ils furent publiés par l’auteur lui-même, avec cette restriction encore que ce dernier détruisit plus tard les exemplaires parus. Quelques-unes de ces pages sont enfin susceptibles de généralisation. Elles ne se confinent plus à l’arrière-pensée du poète. Il s’agit encore de péripéties mentales (et pourrait-il être question d’autres choses ?). — Mais, pour les dire, l’enthousiasme du très jeune Rimbaud s’évade hors de toute occurrence, déborde dans le temps, revient sur le passé, entame à coups de dents l’avenir. Cette haine du présent, du présent mesquin parce que présent, est encore un signe de l’initiation poétique. Au prix des somptuosités imaginaires qui restent l’apanage des cerveaux créateurs, le moment qui passe est fade et morne. Le regret a toujours suscité plus d’hymnes, et plus beaux, que la possession satisfaite. Et le désir, plus joyeux, plus fort et superbe que tout autre penser humain, auquel pourtant nul ne dédia de statue, que nul peuple ne divinisa, ce fut le vrai démon familier de tous les poètes, de tous les actifs et les forts. Et comme il sait désirer, notre Rimbaud-poète !
Désir de joie :
Qu’il vienne, qu’il vienne
Le temps dont on s’éprenne…
J’ai tant fait patience
Qu’à jamais j’oublie.
Craintes et souffrances
Aux cieux sont parties
Et la soif malsaine
obscurcit mes veines.
Qu’il vienne, qu’il vienne,
Le temps dont on s’éprenne[1].
Désir des autrefois :
- ↑ Chanson de la plus haute tour. Œuvres, p. 242.