« Pour imiter les nuées… » et il s’étonna d’avoir parlé.
Et très loin de ces mondes familiers, de ces terres vivantes si proches de sa chair et de tous ses désirs, il entrevit le Rohutu promis, mais froid, mais lugubre, et morne, et si hasardeux ! — Voici que l’esprit, dès la mort, plongé dans les ténèbres, et aveugle, s’en irait vers les deux pierres ambiguës, à Papéari de Mooréa. À tâtons l’âme déciderait sa future existence en touchant l’un des rochers : la pierre Ofaï-pohé tuait sans retour. La pierre Ofaï-ora ouvrait la route vers le champ de délices. Toujours aveugle, l’âme dérivait, à l’aventure, escortée d’indifférents atua, suivie de milliers d’autres âmes incertaines. Sur les rives, en courant, elle cueillait le parfum tiaré dont certaines senteurs, au hasard encore, étaient mortelles, et la replongeaient dans la nuit. Même, les esprits des plus mauvais, agrippés en chemin par les impitoyables justiciers, revêtaient leurs propres cadavres, et par trois fois on grattait jusqu’aux os leurs chairs décomposées et toujours vivantes !
Le haèré-po frémit dans son corps. Il haletait ; mais sa gorge ne pouvait plus crier. Il regardait toujours éperdûment. Il flairait. Il écoutait. Il épiait — mais quoi donc changeait en lui ! Il résistait et se révoltait… Soudain, surgit dans ses entrailles, — et plus violent que l’emprise d’un dieu, — un amour éperdu pour son île, la Tahiti-nui de ses jours terrestres, pour la mer-du-récif, la mer-abyssale,