Lassées les premières, les femmes blêmes se mirent à soupirer. Elles apitoyaient : leurs vêtements incommodes, effrangés par les broussailles, salis de terre rouge, étaient indignes d’épouses de prêtres. Elles ne les dépouillaient jamais, de nuit, ou de jour, non plus qu’elles ne lavaient leurs membres, ni peignaient leurs chevelures poussiéreuses. Même l’usage du monoï onctueux leur semblait indifférent. Vraiment, elles et leurs tané figuraient d’assez pauvres hôtes pour la terre Tahiti.
Ils murmuraient :
— « Le fils du dieu pardonna à ses bourreaux ; pardonne encore à ces hommes injustes ; car ils ne savent point ce qu’ils font…
— Hiè ! la faiblesse même ! » se dirent les deux porteurs d’offrandes ; et, détournant l’oreille, ils écoutèrent dans le lointain : des rumeurs s’exhalaient du flanc de la montagne, au large de l’eau Punaáru, et bruissaient, confuses comme le bourdonnement de la mer éloignée. Elles descendaient les vallées par ce chemin familier de la brise terrestre. Elles enflèrent jusqu’à s’épandre sur la plage. On pressentait la marche d’une foule en triomphe. Et l’on entendait :
« Par les terres, et par les routes des eaux, nous allons en maîtres ;
en maîtres de joie, en maîtres de vie… »