arrachait les plumes à foison, au hasard. En même temps, sous l’assaut furieux, les quatre piliers de l’autel cassaient comme des mâts de pahi, par grand vent : et le poteau sacré, les simulacres, les Plumes, le voleur et ceux qu’ils dépouillaient vinrent s’écrouler sur les dalles.
Mais qu’importaient aux Maîtres ces luttes de manants conduites par un autre manant ; ces rapts inutiles, ces ruses et toutes ces frénésies, quand eux-mêmes, dans leurs îles sacrées, possédaient, sans querelles, des terres, des femmes, et la faveur des dieux ! Ils suivaient donc à peine du regard, l’homme éperdu Pomaré, fuyant, crispé sur les plumes, vers ses pirogues prêtes à bondir. Ses halètements précipités battaient leurs oreilles sans pénétrer leurs entrailles : lentement, les Douze tournaient leurs calmes visages vers la mer impassible comme eux.
Ils attendaient le déclin de Oro, et que la nuit descendue, laissant monter les étoiles, donnât à leur course les guides familiers sur les chemins des flots. Le dieu lumineux tombait au large du récif dans les eaux extérieures. Avec lui s’enfuyaient ces nuées accrochées aux crêtes ; et le sommet acéré du mont que l’on dit sa demeure brillante, l’Orohéna triomphal, s’aiguisait dans le ciel limpide. Le creux des versants, les vallées broussailleuses, le chemin des eaux frémissantes et tous les replis de la terre se remplissaient d’ombres et d’esprits ténébreux. Les membres frissonnaient dans l’air affraichi. Le vent