Page:Segalen - Les Immémoriaux.djvu/129

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des îles soumises ! — Les maîtres, en riant, contemplaient la mêlée. On hurlait :

« Éclate le tonnerre sur les montagnes hautes !
Tout s’ébranle, tout brille,
Tout se bat ! »

Les mots, passant dans les gorges frénétiques, et par des lèvres qui grimaçaient épouvantablement, semblaient des armes plus meurtrières que les haches de jade : des armes tueuses de courages. Pourtant ces menaces n’effleuraient point le calme esprit des Douze, non plus que ne touchaient leurs peaux les cailloux lancés par les frondeurs et qui rebondissaient en claquant autour d’eux sur le sol. Ils écoutaient. Ils entendirent :

« Ce sont les appels des vainqueurs, et les cris des mourants.
Qui restera pour la cérémonie des morts ? »

Et derrière les taillis écrasés, hors de la lutte, les maîtres entrevirent un homme rapide courant à toutes jambes vers le maraè, où, plus haut que l’autel, surgissaient le Poteau et les Plumes. Trois degrés, trois bonds. Sa main se hissa vers le signe protecteur. Les riverains frémirent : on s’emparait du dieu : Pomaré leur volait le dieu ! Ils se ruèrent sur le ravisseur, qui, déjà cramponné au poteau,