Page:Segalen - Les Immémoriaux.djvu/181

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Térii quitta ces gens qui décidément lui devenaient singuliers.

Il répéta pour lui-même : « Ce jour est le jour du Seigneur… » et soudain, à travers tant de lunaisons passées, lui revint à la mémoire cette réponse équivoque de l’homme au nouveau-parler, devant la rive Atahuru ; — l’homme se prétendait fils d’un certain dieu assez ignoré, Iésu Kérito, et il avait dit de même : « Ce jour est le jour du Seigneur ». Là-dessus, Térii se souvenait de chants mornes, de vêtements sombres et de maléfices échangés. — Hiè ! le dieu que ses fétii honoraient maintenant d’un air si contraint, était-ce encore le même atua ? Où donc ses sacrificateurs, et ses images, et les maraè de son rite ?

Cependant, Samuéla, ayant rejoint le voyageur, le pressait de marcher, disant : — « Allons ensemble au grand faré-de-prières. » D’autres compagnons suivaient la même route, et tout ce cortège était surprenant : les hommes avançaient avec peine, le torse empêtré dans une étoffe noire qui serrait aussi leurs jambes et retenait leur allure. Des filles cheminaient pesamment, le visage penché. Elles traînaient chaque pas, comme si les morceaux de peau de chèvre qui leur entouraient les pieds eussent levé dix haches de pierre.