Page:Segalen - Les Immémoriaux.djvu/196

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ce jour, de repas apprêté, ne pas danser, ni chanter, sauf de bien pauvres péhé, ne pas caresser de femmes ; quoi donc aussi ? — malgré que la lumière, triomphante et bleue, fût épanouie encore ; malgré que, les montagnes paisibles et abreuvées d’eau courante, il les vît encore descendre à sa droite, à sa gauche, vers les confins des rives, malgré que le visage tumultueux des sommets eût gardé des formes familières, malgré que le récif coutumier n’eût point changé de voix, Térii sentit violemment, avec une angoisse, combien les hommes, et leurs parlers, et leurs usages, et sans doute aussi les secrets désirs de leurs entrailles, — combien tout cela s’était bouleversé au souffle du dieu nouveau ; et quelles terres surprenantes, enfin, ce dieu avait tirées des abîmes, par un exploit égal à l’exploit de Mahui, pêcheur des premiers rochers !…

Il sursauta :

— « J’irai vers le maraè ! »

Les dormeurs soulevèrent un coin des paupières, et, comme il répétait son désir, s’esclaffèrent bruyamment :

— « Païen ! Païen ! » dit Rébéka. Elle plia le coude et se rendormit.

— « Ignorant ! mauvais ignorant ! » ajouta sans rire Samuéla. — Mais, dans le grand voyage, personne ne l’avait donc tiré de cette erreur lamentable, de cette nuit de l’esprit ? Il n’y avait donc point de « Missionnaires » dans ces îles ?

Térii soupçonna que l’on désignait ainsi, désor-