Page:Segalen - Les Immémoriaux.djvu/261

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rien que des vivants, bien vivants, empressés de joie : la joie le gagnait lui-même : dans son dos, dans tous ses membres, coulait, avec un délice, l’apaisante certitude d’être sauf, et de jouir encore. Il serra plus durement, dans un dernier sursaut, cette épouse de hasard et d’effroi qui gémissait elle-même doucement ; et la laissa tomber. Puis il s’étaya sur ses poings, dominant la nuit, comme s’il avait, en écrasant les hanches de la femme, dompté sur son corps tout l’obscur et toutes les épouvantes.

La voix de l’inspiré ne s’entendait plus. On sait que les filles se disputent tous les mâles qu’un dieu il n’importe lequel, anime et rend puissants. Téao, sans doute, ne pouvait à la fois parler et les réjouir. Mais, en sa place, d’autres voix répétaient la calme prière, et d’une lèvre à l’autre lèvre passaient d’ineffables hommages vers la femme qui n’avait jamais subi le poids d’un époux. Pour elle, et vers elle, montait dans l’air aveugle l’envol de ces plaisirs, de ces cris, de ces ressauts de voluptés d’autant précieux à son rite qu’elle avait dû les ignorer. L’on ne taisait son nom, et la louange de son nom, que pour s’enlacer encore jusqu’à l’épuisée détresse. Et ceux-là qui gisaient, vides de désirs et sans forces pour de nouveaux ruts encore, se redressaient dans un autre élan pour dire, avec une joie fervente :

— « Je te salue, Maria Paréténia. »

Ainsi la femme auprès de Iakoba se cambra, seins tendus, dressant la gorge et tournant la bouche vers