Page:Segalen - Les Immémoriaux.djvu/42

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

les femmes étrangères, sortant de ses profondeurs, venaient se ranger sur le pont, en cercle…

— Pour danser, peut-être ? » interrompit Térii, qui jugeait bien morfondus ces hommes au nouveau-parler.

— « Eha ! pour danser ? » L’hôte se moqua :

— « Elles avaient des pieds de chèvres enveloppés de peaux d’animaux ; et le corps sans grâce et sans ampleur, serré dans des étoffes dures. Non ! pas une ne dansa. Les étrangers entonnèrent un péhé déplaisant, le chant monotone entendu déjà du rivage. Et comme nul ne répondait aux avances du grand-prêtre, Haamanihi regagna sa pirogue ; fort dépité de s’en aller avec des mains vides, après avoir tout offert. »

Le conteur s’arrêta. Ses yeux se fermaient. Avant de se laisser appesantir par le sommeil des heures chaudes, il demanda au voyageur :

— « Ton appétit est satisfait ?

— Je suis empli », répondit aimablement Térii. Et il éructa deux fois pour convaincre son hôte. Puis tous deux s’endormirent.

Mais, dès son réveil, le haérè-po s’impatienta :

— « Où sont-ils, enfin, ces étrangers ?

— Pas loin d’ici. Leur grande pirogue est amarrée dans la baie Matavaï, pour longtemps !