Page:Segalen - Les Immémoriaux.djvu/41

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» Un petit homme roux qui semblait inspiré par quelque mauvais esprit inférieur, proféra vers la femme des menaces — que nul ne put comprendre — et la déconcerta. Elle disparut derrière ses compagnes. L’autre ne se montra point satisfait, et il pourchassa les épouses d’offrandes. Puis il revint tout tremblant et tout bégayant.

» — Celui-là est véritablement un prêtre », s’affirmait Haamanihi, malgré que le chef blême eût déclaré non. On sait que la garde des tapu rend nécessaires, parfois, un vif courroux sacré, et des gestes qui seraient gestes d’enfant s’ils n’étaient point rituels, et par là, majestueux. « Sans nul doute, le corps des étrangers — ou certaine partie du corps — est interdit pour les femmes ? » Eh bien, l’on accueillerait cette autre coutume, — surprenante un peu — et l’on ne forcerait point à l’amour ces tané récalcitrants. D’ailleurs, Haamanihi ne restait pas à court dans sa générosité :

» — Si les filles te déplaisent, je t’abandonnerai quelques mauvais hommes que nous mettrons à mort, et que nous porterons au maraè. Car je bâtirai un autel de bienvenue à tes dieux. Nous ferons la cérémonie de l’Œil-offert… Donne-moi un mousquet ? »

» L’étranger ne parut pas entendre. Haamanihi se servait avec maladresse, du langage piritané. Il répéta sa demande, la portant de l’un à l’autre. On n’y prit garde ; car tous les habitants du navire, même