biles à manier impunément les dieux — et tous les êtres équivoques. Ils retendirent sur l’autel, et voici que Tino, soudain se transfigura : les paupières béantes et paisibles, le front asséréné, les narines molles, et tout le visage paré d’un charme solennel, il se dressa près des poteaux sacrés, et parla.
Il disait sans effort, avec les mots qu’on attribue aux dieux supérieurs, d’admirables récits ignorés. Il disait aussi des choses à venir : — une guerre insidieuse ; la mort d’un Arii ; des sortilèges nouveaux par-dessus l’île… — La foule frémit. Les disputes et les rumeurs pour manger s’apaisèrent. Chacun tira des plis de son maro le bambou dans lequel on promène les petits dieux domestiques, pour les honorer, parfois, de prières. Beaucoup de femmes, les yeux fixes, considéraient l’inspiré sans pouvoir en détourner leurs visages ; puis, tombant en arrière avec un cri rauque, elles imitaient ses postures, et l’on disait qu’à travers le corps vulgaire de Tino, elles avaient aperçu l’atua. Des hommes aussi, dévêtus, bondirent dans l’enceinte, proclamant que Tané ou Fanaütini les pénétraient, les possédaient… Mais on dénonça la fraude : ils espéraient, par cette ruse, voler le culte des prêtres et la faveur des épouses ! Des gardiens les chassèrent à coups de massue. Puis Tino tomba sur lui-même, épuisé par l’âme dévorante du dieu.