Page:Segalen - Les Immémoriaux.djvu/252

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En vérité Iakoba n’eût pas imaginé de telles mœurs. De tous les imprévus surgis depuis son retour, ce rite lui semblait le plus stupéfiant. Quoi donc ! les Missionnaires avaient, avec un juste mépris, aboli de grandes coutumes : la part-aux-atua pendant le festin, les victimes avant la guerre, le rite de l’Œil, et tant d’autres, et voici qu’ils entouraient de réticences et de cérémonies ce passe-temps dormir avec une femme, le plus banal de tous ! bien qu’assez plaisant. Mais cela, Iakoba devinait bon de ne pas l’exprimer. Il consentit :

— « J’épouserai donc la femme Rébéka. » Puis il ajouta : « Alors, elle ne pourra plus s’en aller du faré, maintenant ?

— Jamais. Vous serez joints devant le Seigneur, jusqu’à votre mort. »

Iakoba se réjouit. Car Rébéka se montrait toujours ingénieuse en habiletés de toutes sortes. Il aurait désiré accomplir aussitôt le rite profitable. Mais Noté s’éloigna, non sans avoir, avec des mots obscurs, rappelé au chrétien le service attendu pour cette nuit même, et la dignité promise en retour.

Iakoba vit tomber le soir avec une inquiétude. Il dissimula, jetant à ses compagnons du faré que le poisson donnerait, cette nuit, pour la pêche avec des torches. Mais il ne prit pas de torches : deux nattes