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Page:Segalen - Les Synesthésies et l’école symboliste.djvu/12

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Ayant l’expansion des choses infinies
Comme l’ambre, le musc, le benjoin et l’encens,
Qui chantent les transports de l’esprit et des sens.

(Les Fleurs du mal.)

Ce fut vraiment l’initiale impulsion qui, depuis, hanta les disciples. De telles associations s’harmonisaient d’ailleurs nettement avec les tendances symbolistes, et retentissaient en des cerveaux entraînés aux subtilités de la méthode analogique, dont elles partagent la féconde et sereine beauté. Il nous semble, en effet, que des sensations associées se dégage autre chose qu’une plate juxtaposition : la sensation-écho n’est pas seulement évoquée par la primaire, mais, du même coup, fécondée… Il en naît une émotion jeune, vibrante de fraîcheur et d’inattendu renouveau.

Mais l’exagération ne se fit pas attendre. On voulut transporter à la scène, en les compliquant, les procédés restés jusque-là personnels. Le Théâtre d’Art[1] fit choix, comme thème à cette tentative, du « Cantique des Cantiques ». Pour « synthétiser l’ambiance du rêve », les données de l’ouïe, de la vue, de l’odorat étaient également intéressées. — Le programme portait : « Première devise, orchestration du verbe en I, luminé de l’O, orchestration de la musique en ré ; de la couleur : en orangé clair ; du parfum : en violette blanche. » — La partie olfactive de ladite orchestration était pratiquement confiée à des vaporisateurs placés au trou du souffleur.

Le résultat fut décevant. Sarcey, effaré, en poussa les hauts cris.

Autre essai collectif : « Nous avons déjà les arts de la couleur, déclare M. L. Favre[2] (peinture et

  1. Destouches : op. cit., pp. 8-10.
  2. L. Favre : Musique des couleurs.