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Page:Segalen - Les Synesthésies et l’école symboliste.djvu/24

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La Topaze, frissonnante,

C’est le dernier désir de Jésus sur la Croix.

… Et ce rubis cruel tout sanglant et tout froid,
C’est la dernière blessure de Jésus sur la croix.

Enfin, l’Améthyste, lugubre et endeuillée :

C’est le dernier frisson de Jésus sur la croix.

Puis, la symbolique Procession s’étant liturgiquement déroulée à travers la triple correspondance des Visions charnelles — des Pierres Précieuses — et des ultimes sursauts du Christ, atteint enfin le Monde des Idées :

Que ton âme soit bénie, car elle est corrompue !
Fière émeraude tombée sur le pavé des rues,
Son orgueil s’est mêlé aux odeurs de la boue,
Et je viens d’écraser dans la glorieuse boue,
Sur le pavé des rues, qui est un chemin de croix,
La dernière pensée de Jésus sur la croix[1].

Tous ces exemples supposent forcément deux termes : le poète, créateur de l’Association, et son lecteur en lequel cette dernière peut trouver, ou non, sa répercussion. C’est encore trop d’extériorisation pour d’aussi personnels états d’esprit. Voici maintenant des cas rigoureux où leur emploi reste subjectif, scrupuleusement.

Ils peuvent être, tout d’abord, objet de contrôle d’un sens à l’autre : un baryton audito-coloriste cité par M. Grüber avait recours à ses chromatismes pour distinguer les nuances les plus fines de sa voix[2]. Ils peuvent être moyens mnémotechniques : tel musicien colorant les tonalités peut suppléer par des souvenirs visuels à l’insuffisance de sa mémoire technique.

Mais surtout, il est permis, en ces Analogies,

  1. Remy de Gourmont : Oraisons Mauvaises.
  2. Intern. congress of. Psychol., 1892, cité par Destouches, op. cit.