Aller au contenu

Page:Segalen - Les Synesthésies et l’école symboliste.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de voir de féconds et puissants moyens d’Excitation cérébrale. Chaque artiste a son aiguillon préféré dont il hâte, aux heures de veulerie cérébrale, la marche assoupie des idées, dont il suscite, aux moments d’obscurité intellectuelle, la flamme inspiratrice : la nicotine, l’alcool, l’excitant de lumières éblouissantes, la caféine, l’opium, le haschisch ont leurs adeptes intéressés, implorant de leur usage systématique un ressaut de mentalité.

Au même rang que ces poisons de l’Esprit, mais incomparables d’innocuité, se placent les synesthésies esthétiques — Véritables Alcaloïdes de la chimie des idées, huiles essentielles et efficaces, tonifiantes, à la fois épices et aliments dynamiques.

Déjà, aux premières années du siècle, Salomon Landolt, magistrat, peintre et musicien, faisait cet aveu que, du fait de ses relations chromatiques « d’agréables dispositions du coloris lui étaient grandement facilitées[1] ». Fournoy connaît un peintre doué d’audition colorée qui, à bout d’idées, prend son violon « et trouve dans les sons de cet instrument les teintes et les nuances que réclame son tableau ».

En les pages précédemment citées de En Route, les Photismes géométriques servaient à J.-K. Hüysmans de charpente pour dresser un édifice cohérent d’images architectoniques. La coloration des tonalités musicales peut être d’un usage analogue en composition. Les auteurs qui en bénéficient ont double source d’inspiration. Puis, une fois née l’idée harmonique, c’est, il nous semble, un précieux appui pour lui donner la tenue, le sens, la cohérence exigées des œuvres modernes[2].

  1. Destouches, op. cit., p. 56.
  2. Nous devons à ce sujet remerciement à nos délicats poètes et