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Page:Segalen - Les Synesthésies et l’école symboliste.djvu/3

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LES SYNESTHÉSIES[1]
ET L’ÉCOLE SYMBOLISTE


« … Comme de longs échos qui de loin se confondent
En une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent… »

Baudelaire, les Fleurs du Mal.


Longtemps, il resta décent, dans le monde scientifique, d’afficher, à l’égard de la correspondance possible des données sensorielles entre elles, un vertueux dédain. Les indulgents s’arrêtaient à l’ignorance bénévole du phénomène. D’aucuns furent plus rigoureux. La doctrine de l’Analogie des sens eut ses apôtres, ses martyrs, et tout récemment son temple.

D’allure vaguement occultiste, exploitée d’ailleurs par les Adeptes, elle partagea le discrédit officiellement attaché à toutes les notions parascientifiques. Nüsbaumer, au début du siècle, encourut, de ce fait, les foudres universitaires : ses recherches en la matière ayant paru peu orthodoxes, et dangereuse la divulgation de pareils faits, Bénédikt, professeur et homme de bon conseil, lui imposa là-dessus silence et discrétion[2].

Les essais continuent, timides et tâtonnants. Il semble que les chercheurs tiennent à se faire par-

  1. Le terme est dû à Millet. Il équivaut à l’expression de « Sensations associées ». L’Audition colorée en est un cas particulier.
  2. Dr Louis Destouches : La Musique et quelques-uns de ses effets sensoriels. Thèses, Paris, 1898.