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Page:Segalen - Les Synesthésies et l’école symboliste.djvu/4

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donner leur audace. Pour n’être pas soupçonnés de crédulité, ils se posent en ironistes. Et les préfixes défiants dont ils enrobent leurs définitions soupçonneuses encore sont curieux à noter :

« Pseudochromesthésie, » dit Chabalier. « Pseudophotesthésie, » affirme Suarez de Mendoza… « Fausses sensations »… « Illusions ». On tenait à ne pas se compromettre.

En réalité, les apparences autorisaient le doute, excusaient l’équivoque.

Les observateurs les mieux intentionnés se heurtaient à une incohérence manifeste, à une impossibilité décevante de dégager de leurs études aucune conclusion tant soit peu générale. Malgré leur bonne volonté, il était difficile de donner droit de cité, en la Science impersonnelle et objective, à des phénomènes dont la subjectivité même est la règle, dont le seul critérium possible est une affirmation, dont la preuve expérimentale est à trouver encore.

Actuellement pourtant, devant l’agrégat d’exemples laborieusement entassés, l’authenticité des faits de synesthésie n’est plus douteuse. Leur état civil est officiellement constitué. Ils ont, ces bâtards de jadis, existence légale auprès des savants : ils sont reconnus.

§

Leur histoire. — Avant d’en arriver là, lentement, aux cours des âges, ils ont pérégriné à travers les cerveaux.

Dès l’époque Védique, les poètes Hindous usaient, à leur choix, de trois ordres d’Expression poétique. De ces ordres, le plus riche était précisément désigné par le vocable « DVANI » (son, répercussion). Cinquante siècles avant nos symbolistes,