Page:Segalen - René Leys.djvu/122

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puis, en attendant, il est très bien payé ; vous entendez : il joue le « Vieux Père », il fait la « voix cassée ». — C’est celle que les directeurs paient le plus cher parce qu’elle dure moins longtemps…

Un remous dans la foule : on se lève autour de moi… On se pousse… Je me lève. René Leys est déjà loin, jouant des coudes, parlant vite, passant où il veut. Il disparaît dans la bousculade et je le cherche des yeux avec la crainte ridicule d’un danger sur lui. Mais il revient, et je vois des policiers emmener vivement derrière les coulisses un assistant habillé d’élégantes soieries bleues, la face blanche-paille, qui proteste à peine et s’évanouit aux mains qui le traînent.

René Leys s’excuse de m’avoir quitté brusquement :

— Il fallait bien : mes policiers hésitaient à le prendre. L’affaire est faite.

Et, négligemment :

— Oh ! une histoire de rien du tout : un eunuque, accusé d’avoir un peu trop parlé, et qu’on n’osait pas arrêter dans le Palais. J’ai pu faire donner mes policiers, ici. Personne ne le réclamera.

— Croyez-vous qu’on ait remarqué votre intervention un peu… vive ?

— Pas du tout. Ils admettent d’un Européen toutes les fantaisies… Croyez-vous qu’un Chinois regarderait, en plein théâtre, ces femmes, comme nous ?