Nous regardons en effet, avec une insistance toute latine, une loge de balcon emplie de visages connus, empâtés de fards et de blancs, lustrés de cosmétiques, et des poitrines engoncées de soie gris tendre et bleu mourant, de mauves crus, de vert « couleur du ciel après la pluie »… Ce sont nos belles de l’autre soir, les jolies policières, étalant leurs grâces triomphantes à dix pieds au-dessus des fronts rasés qui houlent au parquet et à l’orchestre. C’est beaucoup plus charmant à regarder que la scène, et ce neveu qui pleurniche toujours…
Non. Il est parti à bout de voix… Mais ceci, ceci que René Leys me dit être l’apothéose du vieux drame déroulé huit jours durant, est tout d’un coup possible à contempler : voilà bien des couleurs, des formes, des lueurs et des gestes aux courbes magnanimes… Je ne sais point ce que cela signifie. Je regarde, je regarde… et voici un grand homme tout vêtu de rouge, masqué de rouge, qui, tenant un sabre dans chaque main, s’apprête à lutter terriblement, on ne sait encore contre quoi…
C’est une escrime pourfendant le vide ; un duel dont un seul combattant est visible ; ses deux poings armés jouent entre eux, s’évitent, s’attaquent ; les deux tranchants se croisent et s’esquivent… Un choc d’acier ? non : une pirouette, un bond, trois moulinets et, immobile, fixé par un coup d’orchestre, il dresse face au ciel son visage rouge emprunté, ses deux bras dont les lames ont tranché des milliers