Page:Segalen - René Leys.djvu/131

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son ami, le Régent », il entendait le défendre contre tout, le sauver…

Pourquoi donc ne serais-je pas « son ami » ? Il n’ose pas : quinze ans d’âge et les distances européennes… Il n’ose pas. C’est donc à moi de décider.

Quand il reparaîtra chez moi, — (s’il lui arrive jamais de reparaître…) — je lui proposerai donc, logiquement, de devenir, s’il le veut bien, « mon ami ». Je sais d’avance qu’il nourrira ce mot de toutes les vertus que j’y place…

Je sais que peu de gens auront jamais, dessous un ciel aussi lourd, échangé de telles confidences… Serait-ce du ciel qu’il me faut espérer la résolution de ceci ? Il ne vient pas. La nuit est veuve. À des gouttes qui flaquent sur mes dalles, je sens enfin que toute la nue se détend, et qu’il pleut. — Il pleut enfin !

Alors, nu sous un vêtement de soie impalpable, de soie chinoise pour l’été, je reçois la grande averse, et, rafraîchi, je m’en vais, — enfin — dormir, détendu.